Lorsqu’en 1998 , lors d’une réunion de synthèse au service de pédopsychiatrie de la Pitié Salpêtriere, Anne osa, pour désigner l’atelier potager fleurs qui venait de naître le terme « base matérielle pour une nouvelle médiation relationnelle » il y eut comme un frisson parmi les médecins et soignants! Le professeur Basquin et François Guillot, parrains du petit jardin cachaient mal leur joie tandis que certains trouvaient cette infirmière bien hardie de formuler ainsi une hypothèse thérapeutique, domaine réservé des médecins !
Depuis le mot à fait florès, il est devenu incontournable chez les concepteurs, créateurs, animateurs de « jardins thérapeutiques ». Jardins thérapeutiques ? Face à l’ambiguité du terme et du concept, il a fallu du temps pour, pas à pas, faire avancer celui de « jardin de soins », prenant en compte précisément l’effet médiateur du jardin : c’est en le soignant que le soigné se soigne, avec cette figure géométrique du triangle bénéfique soignant, jardin, soigné. Bien d’autres ambiguïtés demeurent ! Comment parler de la biodiversité, terme à la mode, si elle n’est pas sous-tendue par la conscience de l’unité du vivant (et même plus largement de l’ambiant, en y intégrant montagnes et rivières et tous les lieux où il s’exprime) comment utiliser le terme « biophilie » , là aussi en train de devenir un effet de mode, si on tire un trait sur son pendant négatif, la nécrophilie, dans le balancement voulu et exprimé, par Erich From dans « Le cœur de l’homme ». Les mots ont ceci de commun avec les grands végétaux : il leur faut du temps pour s’enraciner à leur juste place.Et se soumettre à l’épreuve, ou du moins à l’expérience du vécu ! Nous, jardiniers, dans la lignée de Gilles Clément, devons les y aider sans les contraindre, avec cette joie discrète que donne la complicité ! Et le bonheur d’entendre les passants dire avec un rien de naïveté : « il a toujours été là » !